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Actualité juridique 01/2022 : AEEH / enfants nés sans vie / GPA / IVG

L’ACTUALITE JURIDIQUE DU DROIT DE LA FAMILLE  – Janvier 2022


UN PEU D’ACTUALITÉ … 

  • ALLOCATIONS FAMILIALES : L’AEEH ne peut être partagée entre les deux parents ! 

Dans un récent arrêt en date du 25 novembre 2021, la Cour de cassation a jugé que l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ne pouvait être divisée entre les deux parents en cas de résidence alternée. En effet, depuis 2005, le législateur prévoit la possibilité de partager les allocations familiales par les deux parents lorsqu’ils sont séparés ou qu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. 

  • ENFANTS NÉS SANS VIE :  Les parents pourront leur donner un nom de famille 

La loi du 6 décembre 2021 visant à nommer les enfants nés sans vie a été publiée.                                  

Désormais, les parents d’un enfant né sans vie pourront faire figurer sur l’acte d’enfant sans vie, le nom famille de l’enfant en plus de ses parents. La loi précise que cela n’entrainera aucun effet juridique. 

La possibilité pour les parents d’organiser une identification de leur enfant mort -né n’est pas une nouveauté. Depuis l’intervention générale relative à l’état civil du 11 mai 1999, chaque parent pouvait attribuer un prénom à l’enfant né sans vie. Cette faculté offerte par l’article 79-1 du code civil, leur permet d’inscrire dans le livret de famille, la perte de l’enfant. 

 L’innovation de cette nouvelle loi réside dans l’octroi d’un nom de famille. Pour autant, cette individualisation par l’acte d’enfant sans vie n’emporte aucun effet juridique, l’enfant né sans vie ne dispose pas de la personnalité juridique. 

Rappelons-le, la naissance constitue le point de départ de la personnalité juridique à condition pour l’enfant de naître vivant et viable (art. 318 et 725 al 1er du Code civil). 

•       LA GESTATION POUR AUTRUI (GPA) : coup d’arrêt pour la transcription totale des actes d’état civil d’enfants nés à l”étranger

Le recours à la gestation pour autrui (GPA) reste strictement interdit en France.  La loi du 2 aout 2021 relative à la bioéthique[1] est venue compléter le texte de l’article 47 du code civil pour préciser que la réalité des faits tels que déclarés dans l’acte d’état civil étranger établissant le mode de filiation est « appréciée au regard de la loi française ». Cela signifie donc que la loi vient désormais faire barrage à la position de la Cour de cassation, qui depuis 2019, admettait la transcription totale de l’acte. 

En effet, par des arrêts du 18 décembre 20192, la Cour de cassation admet la transcription totale de l’acte de naissance étranger à la seule condition qu’il soit régulier c’est-à-dire exempt de fraude et conforme au droit local.

La réforme de l’article 47 du code civil, issue des dispositions de la loi de 2021 en énonçant que la « réalité est appréciée au regard de la loi française » invite le parent qui n’est pas biologiquement lié à l’enfant à recourir à l’adoption pour voir sa filiation désormais établie. 

Autrement dit, l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA, ne peut désormais être transcrit pour établir un lien de filiation à l’égard du parent biologique, ainsi que le permet la loi française. 

•          INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE : l’allongement du délai toujours en discussion 

Adoptée en première lecture puis rejetée par le Sénat, la proposition de loi visant à renforcer les droits à l’avortement, avec notamment un allongement du délai de 12 à 14 semaines pour avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse a de nouveau été approuvée. La proposition sera de nouveau soumise au Sénat. Soit le Sénat, adopte le texte dans la même rédaction que celle adoptée par l’Assemblée nationale auquel cas la proposition de loi entrera prochainement en vigueur. Soit, le Sénat refuse, et le texte sera une nouvelle fois examinée par la Commission Mixte Paritaire. 

En bref …

Attributions de compétences du juge des enfants et du juge aux affaires familiales : revirement de jurisprudence 

Civ 1re, 20 octobre 2021 : 

Par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation dans un arrêt important du 20 octobre 2021, revient sur sa position antérieure et rappelle au juge des enfants et au juge aux affaires familiales qu’ils ne doivent pas empiéter sur les compétences de l’autre. 

En l’espèce, un juge aux affaires familiale avait lors d’un jugement de divorce, fixé la résidence habituelle de l’enfant au domicile de son père, accordant à sa mère un droit de visite et d’hébergement. Postérieurement à cette décision, un juge des enfants ordonne une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) au bénéfice de l’enfant, confiant la résidence de l’enfant chez le père, en accordant cette fois ci à la mère un droit de visite médiatisé jusqu’à la prochaine décision du juge aux affaires familiales. La cour d’appel infirme cette décision au motif que seul le juge aux affaires familiales peut statuer sur le droit de visite et d’hébergement de la mère.  Un pourvoi est alors formé, la Cour de cassation fonde sa décision sur le fondement des articles 375-3 et 375-7, alinéa 4 du Code civil. 

Et, énonce que le Juge pour enfant n’a pas le pouvoir de statuer sur le droit de visite et d’hébergement du parent chez lequel l’enfant ne résidait pas de manière habituelle (en l’occurrence ici la mère) ; il ne peut en modifier les modalités que s’il existe une décision de placement de l’enfant et si un fait nouveau, intervenu postérieurement à la décision du JAF, est de nature à entrainer un danger pour ledit mineur. 

Régimes matrimoniaux : En cas de divorce, la communauté matrimoniale doit payer les frais liés à l’exploitation de l’un des époux

Civ 1re, 13 octobre 2021. n°19-24008 

En l’espèce, les époux étaient mariés sous le régime de la communauté des biens réduites aux acquêts. L’époux était seul propriétaire d’une exploitation agricole, une ferme, qu’il avait acquis avant le mariage. Il s’agissait donc d’un bien propre. C’est avec les revenus engendrés par son exploitation qu’il avait réglé l’acquisition du matériel agricole. 

Au moment du divorce, l’épouse de l’agriculteur considère que les dépenses pour entretenir les installations immobilières de ladite exploitation ouvrait droit une récompense au profit de la communauté.

La cour d’appel considère que la récompense est dû. L’époux se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation rappelle, une jurisprudence constante depuis la célébrissime jurisprudence Authier c/Pouyat[2] que les revenus des biens propres en régime de communauté, sont affectés à la communauté. 

Ici, les revenus de l’exploitation agricole sont des revenus communs. La communauté qui perçoit les revenus, doit jusqu’au divorce et à sa propre dissolution, en supporter en contrepartie les charges nécessaires à son fonctionnement. 

Cependant, la Cour de cassation précise qu’au moment du divorce, il faut distinguer les dettes liées à l’achat de matériel nouveau et celles liées au remplacement d’un matériel amorti. 

Aucune récompense ne sera dû à la communauté pour les dépenses résultant de la gestion courante de l’exploitation propre tel le renouvellement d’un matériel usé. Il s’agira alors d’une dette commune. 

 Mais, la Cour ajoute qu’en cas de passif propre qui subsisterait au jour de la dissolution du mariage, ce passif incombera exclusivement à l’époux détenteur de l’exploitation. 

Successions : indemnisation du conjoint survivant pension de réversion[3] & remariage 

Civ 2, 16 septembre 2021, n°20-14.383

En l’espèce, un homme marié décède à la suite de l’abordage de son navire de pêche par un cargo, dont le capitaine et le second capitaine seront reconnus coupables de délits d’homicides involontaire, de fuite et d’omission de porter secours et condamnés à indemniser la veuve de cet homme pour réparation du préjudice moral subi. 

La requérante saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) afin

d’obtenir l’indemnisation de l’ensemble de ses préjudices. Celle-ci lui alloue la somme de                

102 642,90 euros au titre de son préjudice économique, mais diminue le montant dû en tenant compte de l’ensemble des revenus du foyer, notamment la pension de réversion du premier conjoint de la veuve, qui est désormais de nouveau versé à la suite de la dissolution de son second mariage (service de la rente qui avait été suspendu pendant la durée de son second mariage). 

La demanderesse forme un pourvoi en cassation pour contester ce mode de calcul et les juges font droit à sa demande en considérant que la pension de réversion versée du chef du premier conjoint, suspendue pendant la durée du second de mariage, ne constitue pas un revenu de leur foyer et n’est pas la conséquence directe et nécessaire du décès de son second époux. L’arrêt est alors cassé et annulé par la Haute Juridiction. 

Par conséquent, la détermination du préjudice économique du conjoint survivant, du fait du décès de son conjoint, la pension de réversion que le survivant peut recevoir de son premier mari n’est pas à déduire du montant du préjudice économique. 


[1] Loi n°2021-1017 du 2 aout 2021 relative à la bioéthique, JO du 3.  2 Civ 1re, 18 décembre 2019, n°18-11.815, préc. Et n°18-12.327.

[2] Civ 1re, 31 mars 1992 n°90-17.212. 

[3] La pension de réversion correspond à une partie de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé.

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