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Focus sur la GPA – Gestation pour autrui

Avril 2020

LA GESTATION POUR AUTRUI EN FRANCE

À l’heure, où le projet d’ouverture de la PMA[1] à toutes les femmes est sur le point d’être voté en France, qu’en est -il de la gestation pour autrui ?

La pratique de la gestation pour autrui (GPA) est prohibée en droit français, c’est-à-dire la méthode d’assistance à la procréation qui consiste par une femme à porter l’embryon issu des forces génétique d’un autre couple, ou encore à porter un embryon conçu avec ses forces génétiques et celle d’un tiers tout en acceptant à l’avance souvent moyennant une contrepartie financière, d’abandonner l’enfant à la naissance qu’il soit remis au couple ou au parent d’intention [2]».

D’abord sanctionnée par la Cour de cassation dans un célèbre arrêt rendu en 1991.                 

La pratique fut légalement interdite par les lois bioéthiques de 1994.  L’article 16-7 du Code civil dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Lors du projet de loi pour l’ouverture à la PMA pour toutes les femmes, le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE), s’est d’ailleurs à nouveau prononcé en 2018 pour le maintien de cette prohibition.

En effet, la convention de gestation pour autrui, malmène deux principes fondamentaux à savoir l’indisponibilité du corps humain et l’état des personnes.                                                   

Pourtant, malgré cet interdit légal, certains couples français se rendent aujourd’hui dans des pays qui autorisent la GPA (tels que le Royaume Uni, la Grèce, la Roumanie, la Californie, l’Inde.) Par la suite, ces mêmes couples reviennent en France et sollicitent la reconnaissance de la GPA ainsi que la transcription de l’acte de naissance légalement reconnu à l’étranger. Cette manœuvre menace alors l’interdit français. 

Ce n’est donc pas tant l’interdiction de cette pratique en France qui retient l’attention du juge mais la filiation des enfants qui en sont issus.                                                                                     

Que faire de ces enfants frauduleusement conçus ? Le juge doit-il reconnaître ces actes de naissance établis à l’étranger en autorisant leur transcription à l’état civil français ?

La question reste la même, celle de savoir si une situation créée à l’étranger sous l’empire d’une législation complaisante doit être ou non reconnue.

La jurisprudence de la Cour de cassation n’a cessé d’évoluer en la matière ces dernières années en remettant en cause l’interdit total qu’elle préconisait jusqu’à alors.

  1. La vérité biologique l’emporte sur la protection de l’intérêt de l’enfant
  • Premier temps : L’interdictionde la GPA par la loi et par la jurisprudence

La Cour de cassation a d’abord estimé, dans un arrêt de 1989, Alma mater, que l’association qui a pour but de remédier à la stérilité des femmes, désireuses d’être mères, par la conclusion et l’exécution d’une convention entre ces couples et ces mères porteuses volontaires était illicite en France.

Puis, par plusieurs arrêts, elle a déclaré également illicite « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à la naissance. »

Enfin, par un arrêt solennel, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière a le 31 mai 1991, précisé qu’une telle pratique constituait un détournement de l’institution de l’adoption, et ce même si elles étaient effectuées à titre gratuit.

  • Deuxième temps : la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme

Dans les années 2000, deux couples français, les époux Mennesson et Labassée, s’étaient rendus dans l’État de Californie pour faire appelle à une gestation pour autrui. Dans ces deux affaires, les enfants nés de cette GPA, conformément à la loi étrangère, se sont vus attribués des actes de naissance, sur lesquels étaient reconnu la paternité et la maternité du couple français (parents d’intention). Lors de leur retour, les parents ont alors souhaité transcrire cet acte, mais le ministère public a demandé l’annulation de cette transcription. Les époux après avoir fait appel de cette décision, se sont pourvus en cassation. La Cour de cassation a rejeté ce pourvoi au nom du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes.

Ces deux couples qui n’avaient pas abandonné la lutte, ont alors porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).    

Et le 26 juin 2014[3], cette juridiction a condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée des enfants sans pour autant autoriser la transcription de ces actes.

  • Troisième temps : la reconnaissance en France du lien de filiation paternelle du père d’intention

Depuis des arrêts de 2015, la Cour de cassation autorise la transcription partielle des actes de naissance étranger en reconnaissant en France le lien de filiation paternelle si l’enfant est l’enfant biologique du père d’intention.

Dans ces circonstances et dans ces seules circonstances, la transcription sera autorisée.

À contrario, en présence de deux parents d’intention qui n’ont pas de lien biologique avec leur enfant, la transcription ne saurait être autorisée. Et même si l’enfant est génétiquement de ce couple, la femme qui accouche et qui a accepté de porter l’embryon restera la mère légale de l’enfant au sens du droit français.

En effet, en droit français, la mère est celle qui accouche (mater semper certa est)[4], en conséquence, l’acte de naissance portant le nom de la mère d’intention n’est pas conforme à cette réalité, et ne peut être transcrit.

La Cour de cassation maintient donc le principe d’une transcription partielle, limitée à la désignation du père d’intention, ce lien de filiation étant conforme à la vérité biologique.

  • Quatrième temps : la GPA faite à l’étranger ne fait pas obstacle à l’adoption de l’enfant par le conjoint du parent biologique

Depuis 2017, la Cour de cassation admet désormais que la mère d’intention dans un couple marié hétérosexuel ou le père d’intention dans un couple marié composé de deux hommes puissent adopter l’enfant de son conjoint, à condition que les conditions légales de l’adoption soient réunies et que tel soit l’intérêt de l’enfant.

II)La prévalence de l’intérêt de l’enfant sur la vérité biologique

  • Cinquième temps : La nécessité de reconnaitre un lien de filiation entre la mère d’intention et l’enfant
  • Cass.ass plén., 5 octobre 2018

Récemment interrogée, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a dû réexaminer deux affaires relatives à la transcription des actes de naissances d’enfants établis à l’étranger, issus de gestation pour autrui.

Incertaine, sur l’étendue de la marge d’appréciation dont elle disposait au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, elle l’a sollicité pour avis consultatif dans le cadre du Protocole n°16 à la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avant de rendre une solution définitive[5].

En effet, cette dernière demandait à la Cour européenne des droits de l’homme si le respect de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[6] imposait la reconnaissance de la filiation maternelle, à savoir la transcription sur les registres d’état civil français lorsque l’enfant est né par GPA.

  • Sixième temps : L’adoption suffit pour établir la filiation maternelle de la mère d’intention
  • Avis rendu par la CEDH le 10 avril 2019

La Cour européenne des droits de l’Homme a donc, dans un avis rendu le 10 avril 2019 indiquait que les États n’étaient pas obligés d’admettre la transcription intégrale des actes de naissance en ce qu’ils mentionnaient le parent d’intention. Mais, qu’il était en revanche nécessaire de prévoir un autre moyen rapide et efficace de reconnaissance du lien de filiation.                                                      

À cet égard, elle a considéré que le processus français qui imposait la transcription partielle puis l’adoption de l’enfant du conjoint était satisfaisant.

Autrement dit, la possibilité pour le parent d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint était conforme au respect de la vie privée et familiale dudit enfant.

  • Cass.ass plén., 4 octobre 2019

Après avoir reçu cet avis, la Cour de cassation a alors rendu le 4 octobre 2019 sa décision dans l’affaire Mennesson. Elle a reconnu que compte tenu des circonstances exceptionnelles de l’affaire, le recours à la procédure d’adoption ou à la possession d’état et ce après plus de quinze années de procédure, ne permettait pas de répondre aux exigences de la Cour européenne des droits de l’Homme. C’est pourquoi, elle a considéré que seule la transcription intégrale des actes de naissance à l’égard des deux parents était possible.

  • Le droit positif actuel : la transcription intégrale de l’acte de naissance étranger dès lors qu’il est régulier
  • Cass.1re civ., 18 décembre 2019 

Alors que la Cour européenne des droits de l’homme a appliqué son propre avis consultatif, en considérant dans des arrêts de décembre 2019, que le recours à la procédure d’adoption de l’enfant du conjoint suffisait à garantir le respect du droit privée et familiale des enfants sans qu’il soit nécessaire d’imposer la transcription.                                                                                                                                     

La Cour de cassation a dans trois arrêts rendus le 18 décembre 2019, préféré abandonner son principe en matière de gestation pour autrui, en jugeant désormais que le recours à une GPA n’était plus un obstacle à la transcription intégrale, dès lors que l’acte étranger est régulier c’est-à-dire exempt de fraude et conforme au droit local[7].

Si auparavant, l’établissement de la filiation ne pouvait reposer que sur une vérité biologique, il semble désormais aujourd’hui que seul l’intérêt supérieur de l’enfant prime. En effet, seule une irrégularité de son acte de naissance établi à l’étranger pourrait y faire obstacle en empêchant sa transcription.


[1] Procréation médicalement assistée.

[2] CORNU G(dir.). Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, 2018, 12e éd.

[3] CEDH 26 juin 2014., n° 65192/11, Mennesson c/France et n° 65941/11, Labassée c/ France.

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