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La séparation et le confinement

Une des psychologues cliniciennes de l’association a rédigé cet article

La séparation et le confinement

Comment anticiper et vivre un éloignement provisoire entre soi et son enfant ? Comment lui faire comprendre la notion de temps ? En cas de situation difficile, faut-il taire la vérité ou bien tout lui expliquer ? « Les enfants sont des êtres de langage et d’émotions ». Le motif d’une séparation est indispensable à entendre pour un enfant, qu’il soit âgé de quelques mois ou de plusieurs années. La parole du parent est cruciale ; mais selon l’âge de l’enfant, elle aura plus ou moins de sens.

 Rester chez soi. Sortir le moins possible et muni d’une attestation. Ne plus voir sa famille, ses amis, ses enfants souvent, le confinement entraine une séparation inévitable. Comment s’adapter à cette nouvelle donne : ce confinement, inimaginable il y a encore quelques semaines ? Quelles réactions peut-il provoquer, en particulier chez ceux souffrant d’instabilité psychologique ou vivant des situations douloureuses ? Et surtout, quel est le rôle du parent dans la séparation ?

Certaines situations nous obligent malheureusement à nous séparer de notre enfant. La situation actuelle du Covid-19 en est un exemple. Afin d’éviter de souffrir de cette séparation, il est préférable de la préparer en amont, ce qui implique une préparation psychologique et mentale. Dans un second temps, il s’agit d’expliquer à l’enfant que la séparation, peu importe sa nature, est provisoire. Enfin, il s’agit de garder son calme en évitant les émotions trop vives et intenses.

La séparation peut être vécue de façon différente. Un parent qui a lui-même vécu des séparations difficiles aura inévitablement du mal à se séparer de son enfant, et inversement, un parent n’ayant pas connu de situation de séparation sera peut-être dans l’incompréhension. Le confinement annoncé par le gouvernement met à l’épreuve cet exercice redouté de tous, se séparer de ses proches (famille, collègues), de sa routine. En d’autres termes, se séparer de ses repères.

Dans certaines situations, il est important de définir une temporalité précise. Pour les enfants, « la compréhension du temps se fait étape par étape : de 0 à 3 ans il s’agit de poser les repères temporels, de 4 à 6 ans, la scolarisation permet d’intégrer cette notion, et à partir de 7 ans, il s’agit de comprendre le déroulement du temps sur une semaine, un mois, une année [1]». Le rôle des parents est à ce stade primordial.

Comment prévenir alors les troubles psychologiques chez l’enfant en cas de séparation ?

  • Reconnaître la souffrance de l’enfant et lui permettre de la formuler : L’enfant a besoin qu’un adulte lui explique ce qui se passe au moment de ladite séparation. Pour l’enfant, la période de rupture représente un sentiment de perte, de perte de ses repères.
  • Éviter les conflits persistants entre les parents : Ces conflits atteignent l’enfant au plus profond de lui-même par la souffrance qu’il perçoit chez chacun de ses parents. Il peut se sentir très seul, refouler sa peine, ce qui l’amenuise. Toute son énergie est utilisée à lutter contre cette souffrance.
  • Favoriser le droit de l’enfant à bénéficier des soins de son père et de sa mère : « La Convention internationale accorde à l’enfant le droit d’avoir un père et une mère »[2]. L’abandon par l’un des parents entraine un risque d’apparition de troubles psychologiques chez l’enfant (blessure narcissique profonde, culpabilité, colère, dévalorisation de soi-même) qui perturbent son développement psychique. Des signes de dépression et des troubles du comportement peuvent advenir, allant parfois jusqu’à l’incapacité de s’insérer dans la société.

L’enfant a besoin de son père et de sa mère pour devenir un individu à part entière, différent de son père et sa mère. Il porte en lui l’histoire de ses deux familles ; la négation de l’une ne peut que le couper de ses racines et l’appauvrir.

Plongeant certains dans l’angoisse, la frustration, la rage, le désarroi, l’incompréhension — ou tout cela à la fois, le confinement perturbe. Notre rôle au sein de l’association Espace Droit Famille, et plus encore en cette période de confinement, est d’intervenir auprès des parents (ou futurs parents), mais aussi auprès des institutions sociales (crèches, garderies et écoles), pour que chaque institution soit la garante du droit de l’enfant à bénéficier des soins de chacun de ses parents.

Sarah SARFATI-BENAYOUN, psychologue clinicienne, Espace Droit Famille Avril 2020


[1] Idem.

[2] La Convention relative aux droits de l’enfant a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et signée par la France le 26 janvier 1990.

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